Le corps imaginaire et le mouvement dans l’espace et le temps du rêve de veille

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Immaginario: studi e ricerchePhilippe Grosbois

LE CORPS IMAGINAIRE ET LE MOUVEMENT DANS L’ESPACE ET LE TEMPS DU RÊVE DE VEILLE

Philippe Grosbois

maître de conférences en psychologie clinique

Institut de Psychologie et Sociologie Appliquées

Université Catholique de l’Ouest – Angers (France)

Equipe d’Accueil 4050 Rennes-Poitiers-Brest-Angers (Laboratoire de Psychopathologie)

ancien secrétaire de la Société Internationale des Techniques d’Imagerie Mentale

Dans le  cadre de l’utilisation de l’imagerie mentale onirique en psychothérapie telle que la conçoivent André VIREL et Roger FRÉTIGNY, c’est à dire l’onirothérapie d’intégration, le mouvement passe par le vécu corporel, plus précisément par le vécu corporel imaginaire. Le constat que nous faisons dans la pratique clinique, c’est que le patient vient vers le thérapeute avec ses réactions corporelles et ses plaintes somatiques. Celles-ci vont en effet apparaître au premier plan lors des premières séances lorsque nous proposons au patient une onirothérapie. Tout se passe comme si celui-ci découvrait – ou redécouvrait, plus exactement – son enveloppe corporelle lors du voyage imaginaire qui va être mis en scène sur le plan onirique. Le vécu corporel imaginaire est en effet en relation étroite avec ce qu’il en est de l’image du corps et de la représentation de soi.

 

Dans l’onirothérapie de VIREL, la perception de l’image du corps en onirothérapie est par ailleurs objet de modifications, de déformations qui sont induites par la perte des repères habituels, une perte des repères corporels, spatiaux et temporels ; c’est cette perte, cette sorte d’isolation sensorielle qui est à l’origine d’un corps rêvé, d’un espace rêvé et d’une dimension temporelle rêvée. Nous faisons allusion ici à la fois à la phase initiale de mise en condition physique et psychologique particulière que VIREL a désigné sous le terme de décentration, phase qui précède le surgissement spontané d’images mentales, d’abord corporalisées, en lien avec les cœnesthésies puis les images de personnages, d’objets et de décors imaginaires dans lesquels le sujet va imaginer se mouvoir, comme dans un rêve de veille, à la différence que c’est ce vécu corporel imaginaire qui va générer les images oniriques et non le thérapeute qui suggère une image de départ, même s’il nous arrive lors de certaines séances de partir d’une image évoquée précédemment par le patient, image d’une séance précédente d’imagerie mentale ou image d’un rêve nocturne raconté auparavant.

 

Cette expérience particulière, si elle a quelque chose à voir avec le narcissisme primaire, n’est pas régressive au sens déstructurant du terme mais elle représente au contraire une restructuration au travers d’une focalisation sur les cœnesthésies, au point d’avoir des points communs avec certaines expériences décrites par des mystiques ou des artistes lorsque leur génie créateur s’éveille.

 

C’est dans ce contexte psychothérapique que nous constatons que certains patients ont une véritable incapacité d’imaginer, de rêver éveillé à partir des sensations corporelles et d’exprimer leur vécu autrement qu’en termes très conventionnels. Il s’agit là alors d’une perturbation de la fonction imageante, d’une sorte de carence de l’imaginaire, comme chez certains insomniaques, dans les troubles des conduites alimentaires (tels que l’anorexie et la boulimie) ainsi que dans les troubles psychosomatiques (tels que l’ulcère digestif, la recto-colite, l’asthme) et certaines maladies auto-immunes. Comme le souligne SAMI-ALI, ici le plaisir ne peut être intégré parce que le corps instrumentalisé fonctionne pour fonctionner, parce qu’il ne peut y avoir qu’un plaisir de fonctionnement à vide [1].

 

Le développement de la fonction imageante chez ces patients éprouvant des difficultés à passer des perceptions du dehors à celles du dedans (à savoir leur vie fantasmatique) passe souvent par une sorte d’entraînement psychothérapique à visualiser, c’est à dire à adhérer sensoriellement et émotionnellement aux images mentales et à éviter de se raccrocher à des souvenirs ou des évènements factuels du quotidien. Une certaine directivité dans les propositions de thèmes imagés de départ peut être alors pertinente pour ces sujets qui ont été bien décrits comme ayant une « pensée opératoire » par l’école psychosomatique de Paris représentée, entre autres auteurs, par MARTY, FAIN et SOULÉ.

 

Soulignons par ailleurs que l’imaginaire s’organise, d’un point de vue psychogénétique, parallèlement avec le développement viscéral et sensorimoteur du nourrisson et que ce dernier contribue vraisemblablement à la construction de la représentation maternelle qui s’appuie sur la chaleur de la mère, son odeur, la consistance de sa peau et son tonus musculaire. Si de nombreux auteurs supposent que le nourrisson apprend à distinguer progressivement son propre corps morcelé puis unifié, nous savons également qu’un certain nombre d’avatars peuvent survenir, notamment si l’équipement sensoriel de l’enfant est insuffisant, si la mère surprotectrice ne laisse pas apparaître la faim en apportant la satisfaction avant l’émergence du désir ou, au contraire si, par sa négligence, elle laisse l’enfant épuiser ses forces dans l’attente d’une nourriture insuffisante ou donnée trop tard.

 

L’entraînement à visualiser favorisant le développement de l’imaginaire est assez caractéristique, donc, de la phase initiale de décentration qui précède la phase d’imagerie mentale proprement dite. Il arrive même qu’avec certains patients nous en restions à travailler en utilisant uniquement la décentration parce que celle-ci est révélatrice du rapport que le sujet entretient à son corps et qu’elle permet un travail psychothérapique exclusivement à partir du vécu corporel imaginaire, sans qu’il ne soit nécessaire de travailler sur les rêves éveillés ou nocturnes.

 

La mise en condition destinée à favoriser l’hypotonie musculaire et la déconnexion progressive d’avec les perceptions de la réalité quotidienne du corps, de l’espace et du temps – outre la position allongée, les yeux fermés, les mains à plat, le fait de rester immobile et l’éclairage étant très atténué – peut aussi s’appuyer sur le fait de demander au sujet de se débarrasser de ce qui peut le gêner corporellement (ceinture, cravate, chaussures) et symboliquement (bagues, chaînes, montre, médailles), ce qui peut aller jusqu’à la nudité complète, lorsqu’il y a une bonne alliance thérapeutique. Nous proposons alors une couverture légère, pour la chaleur qu’elle procure mais également pour le sentiment de protection et de sécurité. Tout ceci doit se passer bien sûr dans un climat de confiance. Nous n’insistons pas devant un refus mais proposons plutôt au sujet de se déshabiller partiellement. Lorsque le patient accepte, il se déshabille évidemment seul, par pudeur, et se glisse sous la couverture. Aux dires de celui-ci, la décentration sera vécue tout à fait différemment que s’il était habillé (on peut comparer ici avec l’expérience de la baignade nu, ce qui en général, est vécu autrement qu’avec un maillot de bain…).

 

Cette mise en condition présente des analogies avec de nombreuses méthodes de relaxation comme dans le training autogène de SCHULTZ où la déconnexion hypnotique s’appuie sur les sensations de pesanteur (expression de la décontraction musculaire) et de chaleur (expression de la vaso-dilatation périphérique), véritable apprentissage du détachement progressif du réel induisant une modification de l’état tonique et permettant au sujet d’entrer dans un état hypnoïde proche du sommeil, tout en restant éveillé et conscient.

 

Les premières sensations éprouvées sont fréquemment des fourmillements et des phénomènes lumineux élémentaires (points brillants, taches de couleur) et parfois des sensations de modifications de volume des membres du corps, l’impression de se déplacer dans l’espace, de flotter ou de s’enfoncer dans le divan. Souvent, le patient perd le sens de la position de ses membres, se les représente à une place différente de celle qu’ils occupent en réalité. Ces sensations peuvent être ponctuellement douloureuses et, dans ce cas, on peut fréquemment les rattacher à une affection somatique ancienne, de même localisation, survenue parfois de nombreuses années auparavant et souvent « oubliées ». A propos du training autogène, GEISSMANN cite le cas suivant :

 

Une douleur dans les genoux apparue ainsi pendant l’exercice de pesanteur rappelle à un sujet une chute qu’il fit quelques années auparavant. Chez un autre, une douleur sous-maxillaire lui remit en mémoire l’existence d’une discrète atteinte bacillaire qui avait fait l’objet en son temps d’une crainte anxieuse. Il semble qu’on se trouve en présence d’une résurgence de souvenirs vécus au niveau du corps, dans ce que je pourrais appeler une sorte de “mémoire somatique“. [2]

 

Autre exemple clinique, celui d’Isabelle, adressée pour des douleurs lombaires chroniques insensibles aux antalgiques morphiniques. Après plusieurs séances en face à face, elle accepte une première séance de décentration qui s’arrête rapidement, avec un refus véhément de poursuivre. Elle avait ressenti, au niveau de la cage thoracique, une violente douleur au niveau de la base du poumon droit. Elle avait dû subir à l’âge de quinze ans, ce que l’anamnèse n’avait pas révélée, une lobotomie de la base du poumon droit. L’angoisse, liée à l’évocation de ce traumatisme, représentait pour elle ce qu’elle avait vécu psychiquement au cours de la période ayant nécessité l’intervention.

 

Ces somatisations apparaissent surtout au cours des premières séances mais, de façon générale, on observe, comme nous l’avons mentionné plus haut, des sensations subjectives de déformation corporelle. Celles-ci permettent ainsi au sujet d’affronter certains nœuds conflictuels de son passé. Voici un exemple cité par ma collègue Odile DORKEL-DRECQ :

 

Une jeune femme m’est adressée par sa diététicienne pour des problèmes de boulimie nocturne qui perturbent les régimes réclamés par la patiente et la maintiennent dans un poids que Danièle juge excessif. Les séances sont dans un premier temps verbales, entrecoupées progressivement de courtes séances de décentration. Les effets se traduisent, comme souvent, par une meilleure mémorisation des rêves nocturnes qui deviennent plus nombreux, mais dont elle se sent peu concernée. Au cours d’une séance, elle sent son corps gonfler et en ressort mal à l’aise. Le rêve hypnique qui suit la laisse affligée : elle voyait une sorte de gros ours informe qui pleurait, gisant dans une pièce délabrée et sale.

 

Ce rêve représente un tournant de l’onirothérapie. Pour la première fois, elle ose, du moins symboliquement, se reconnaître. Puis elle admet : cet ours, c’est elle. La séance suivante lui fait vivre corporellement son angoisse à se laisser aller dans la vie : elle se sentait glisser sur une pente et luttait très fort pour rester accrochée au divan…/… La décentration qui suivit fut très différente et porta uniquement sur ses mains : elle sentait ses paumes retournées et eut envie de les cacher sous ses cuisses. Ce fut alors un flot de souvenirs : elle se revit petite fille, à l’école, lorsqu’elle devait présenter ses mains à l’institutrice pour qu’en soit vérifiée la propreté. Le sentiment d’humiliation revécu alors provoqua une abréaction salvatrice.  [3]

 

La perte de repères spatio-temporels induite par la décentration – mais librement acceptée par le sujet – correspond à une sorte de désintégration du « schème corporel » qui précède le surgissement de l’univers onirique sous forme d’images d’abord discontinues puis de scénarios – comparables à ceux évoqués par le suisse GUILLEREY dans sa méthode des images, par DESOILLE dans le rêve éveillé dirigé, par LEUNER dans son imagerie affective guidée ou par CLARK dans sa méthode phantasmatique – scénarios constitués d’objets et de personnages dans un décor imaginaire. Cette phase de décentration a pour objet d’abaisser la vigilance du sujet, de modifier la perception qu’il a de lui-même et de faire disparaître le cadre de référence perceptive habituel. Dans ce contexte, la décentration est une phase directive, du moins pendant les premières séances, aussi bien pour guider le sujet vers l’état hypnoïde que pour le retour au réel. Mais à partir du moment où cette mise en condition est bien vécue, le thérapeute n’a plus besoin d’intervenir, sauf dans de rares exceptions, notamment dans les cas où il doit manifester sa présence sécurisante si l’anxiété est trop précoce ou trop intense.

 

Cette séquence onirique ne constitue en fait qu’une partie du traitement qui fait appel, comme dans d’autres onirothérapies, aux phases successives suivantes : une phase maïeutique (anamnèse, comptes rendus oraux ou écrits des séances précédentes par le patient et relation de ses expériences de vie sur un mode proche des psychothérapies d’inspiration psychanalytique), une phase de mise en condition (décentration), une phase onirique (scénarios imaginaires) et une phase de maturation (très longue, qui correspond au temps pendant lequel le sujet intègre sur les plans psychique et relationnel les changements liés au vécu affectif de la psychothérapie), maturation comparable au processus de « perlaboration » de la cure psychanalytique.

 

LUTHE, l’un des disciples de SCHULTZ, cite ainsi dans la pratique du training autogène des exemples de vécus douloureux en éclairs le long de la colonne vertébrale, de sensations de coups sur la tête, d’oppressions thoraciques, d’accès de tachycardie, de peurs soudaines, de sensations de brûlures, d’hallucinations auditives ou visuelles, de douleurs articulaires et de différentes parties du corps. Il a l’idée d’utiliser ces mécanismes dans un but thérapeutique : il propose de prolonger les exercices standard du cycle inférieur de SCHULTZ en demandant au patient de « se mettre dans un état d’acceptation passive », ceci impliquant, dit-il, « un minimum d’aide et de direction de la part du thérapeute ».

 

LUTHE considère ces « décharges autogènes » comme des processus d’abréactions qu’il baptise « abréactions autogènes ». Lors de ce processus, il observe une neutralité différente de la neutralité psychanalytique : celle-ci n’est pas destinée à favoriser la projection de fantasmes sur le thérapeute, dans la perspective d’une névrose de transfert ; elle permet seulement au patient de poursuivre pendant les exercices ce processus cathartique. Ces abréactions autogènes s’inscrivent dans le cadre d’un vécu corporel imaginaire induit par un état d’attente passive tout à fait analogue à celui que l’on observe dans la phase de décentration de l’onirothérapie de VIREL. L’utilisation psychothérapique de tels fantasmes s’appuyant sur un vécu corporel, spatial et temporel imaginaire favorise en effet les abréactions, permet aux phénomènes inconscients de se déployer spontanément, aux résistances de se produire, aux associations libres de se faire et de pouvoir être analysés, de façon tout à fait comparable au cadre psychanalytique classique. Les associations d’idées qui naissent chez le patient à partir de ces phénomènes psycho-sensoriels montrent en effet qu’elles sont toujours en rapport avec son histoire personnelle, avec des souvenirs oubliés, avec des pulsions refoulées. L’élaboration psychique de ces phénomènes avec les patients permet de travailler sur un plan psychothérapique dans la même dynamique qu’avec le rêve, qu’il soit effectué en séance à un niveau subvigile – rêve de veille – ou qu’il soit un rêve nocturne et fasse l’objet d’un récit lors d’une séance.

 

Cet état d’attente passive sera favorisé par le thérapeute, au sens où il énonce en général une sorte de règle fondamentale d’association libre – non pas des idées – mais des sensations corporelles, du type : « Vous êtes en attente, disponible à tout ce qui va venir de votre corps » ou bien « Laissez venir ce qui vient de votre corps » ou encore « Accueillez les sensations comme elles viennent ». Le thérapeute ne donne pas plus de précisions afin de ne pas induire ce qui sera vécu sur le plan corporel.

 

FREDERKING, à la fin des années 1940, a utilisé également le training autogène de SCHULTZ et constate que les représentations imagées apparaissant dans cet état présentent des similitudes avec celles induites par la prise de mescaline ainsi que celles pouvant apparaître au  cours d’une cure psychanalytique [4]. Il va donc s’appliquer à les rechercher systématiquement parce qu’elles possèdent pour lui la même signification que les éléments du rêve ; il nomme sa méthode « relaxation profonde et symbolisme ».

 

Il induit chez ses patients une relaxation corporelle progressive au cours de laquelle ceux-ci sont invités à décrire ce qu’ils ressentent. FREDERKING relate que les patients évoluent en général de visions peu structurées à des productions imagées de plus en plus précises exprimant une « pensée symbolique à ciel ouvert ». Il soutient que dans ses rêves ainsi que dans ces images symboliques l’homme est conduit à travers toutes les sphères de la psyché et que ce parcours est susceptible d’avoir des effets de transformation profonde.

 

Il explique que lors de l’induction de la sensation de pesanteur, il invite le patient à se concentrer sur les phénomènes visuels concomitants (images de taches, points ou figures géométriques) de façon à ce que « ses autres pensées se dissolvent ». Allongé, les yeux fermés, il fixe alternativement son attention sur les diverses parties de son corps et sur ses productions imagées, pendant que le thérapeute laisse évoluer les phénomènes perçus par celui-ci, sans proposer aucun exercice ni apprentissage.

 

FREDERKING  souligne qu’après avoir expérimenté cette méthode auprès d’une centaine de sujets, ces phénomènes ont un caractère involontaire et que, d’ailleurs, pour éviter d’avoir une influence consciente sur le déroulement des séances, il cesse quasi complètement d’intervenir verbalement à partir de la deuxième séance. Après une première période pendant laquelle il s’agit d’aider le sujet à se détendre et se centrer sur ses visions, il est fréquent qu’apparaissent de la fatigue, de légers battements de cœur, un tremblement des paupières. Dans une seconde étape, FREDERKING décrit des phénomènes de déformation imaginaire du corps précédant la vision d’objets plus ou moins distincts :

 

Les membres et quelquefois tout le corps transforment leur taille et leur forme. Les membres semblent soit plus longs soit plus courts, gonflés ou rétrécis. Le corps peut se pencher, se tourner ou se plier d’un côté et devenir lourd ou bien il s’abaisse, monte tout droit ou de façon oblique, etc. 

 

Le contour des objets perçus finit par se préciser au fil des séances : ce sont souvent une maison, un arbre, un profil, une fleur. Enfin, les objets et les personnages se meuvent dans un décor, sur le mode d’un scénario, comme dans le rêve éveillé de DESOILLE ou dans l’onirothérapie de VIREL.

 

Les évènements relatés par le patient ont pour FREDERKING le caractère d’un véritable rêve. Ils sont vécus comme des perceptions que l’on ne peut pas influencer volontairement. Dans celles-ci, tout peut se métamorphoser en franchissant les frontières du temps et de l’espace. « Il se forme, pour ainsi dire, devant les yeux et devant le corps du patient un nouveau monde ». Celui-ci décrit le vécu corporel imaginaire du patient comme un vécu de mobilisation dans un espace imaginaire dès que ce dernier se sent transformé. Il décrit de même des transformations des perceptions imaginaires visuelles qui partent souvent d’un fond gris ou coloré d’où divers objets vont surgir. Le patient se sent ainsi flotter ou s’abaisser, se trouver à l’intérieur d’une pièce, s’enfoncer dans une profondeur ou monter vers l’univers…

 

Les dimensions du temps sont également l’objet de modifications: les évènements d’une journée peuvent se dérouler en quelques minutes et parcourir des espaces gigantesques.

 

Le mouvement du corps imaginaire se déroule donc dans un espace imaginaire et une dimension temporelle imaginaire, ces diverses catégories étant caractéristiques de l’espace du rêve… Comme le dit GUILLEREY à propos de ce qu’il appelle « rêverie dirigé », celle-ci à pour but de « transformer les antagonismes de la conscience en un conflit de tendances motrices » jusqu’à la résolution de ce conflit. L’attention du rêveur attirée ainsi par le thérapeute sur ses sensations tactiles cœnesthésiques imaginaires permet la mise en scène du moi corporel imaginaire dans un décor également imaginaire où va se dérouler l’action d’un auto-drame comparable à un psychodrame intérieur.

 

Je concluerai par ces propos de SINGER :

 

L’imagination humaine, les rêves à l’état de veille ou du sommeil et les fantasmes représentent une puissance de vie créatrice et d’auto-accomplissement. Cette capacité à  créer des images et des souvenirs vivants, à explorer le passé et les voies de l’avenir, constitue une importante ressource psychologique. [5]

 



[1]           SAMI-ALI (1977). Corps réel, corps imaginaire, Paris, Dunod.

[2]           GEISSMANN P. (1968) Verbalisation des affects et des perceptions pendant les exercices du Training Autogène, Revue de Médecine Psychosomatique, 10, 2, p.140.

 

[3]           DORKEL-DRECQ O. (1987) La décentration, in HISSARD M.J. Les relaxations thérapeutiques aujourd’hui, Paris, L’Harmattan/IFERT, Tome II, p. 197-229.

[4]           FREDERKING W. (1948) Über die Tiefenentspannung und das Bildern, Psyche, 2, p. 211-228.

[5]           SINGER J.L. (1980) Les fantasmes créateurs, Montréal, Editions de l’Homme, 1981, trad., p. 12-13.